Développer l'infrastructure et les communautés techniques 20 novembre 2020

Les effets du COVID-19 sur l’écosystème Internet en zone MENA

Par Michael Kende
L’auteur tient à remercier Jane Coffin, Nermine El Saadany, Hana Sabbagh, David Belson, Michuki Mwangi et Naveed Haq pour leurs conseils et leurs informations pour ce rapport. L’Internet Society, ainsi que l’auteur, tient à remercier les membres de chapitres de l’Internet Society pour leurs réponses à un questionnaire et les participants au webinaire du 29 juin 2020 pour leurs questions et commentaires.

Synthèse

La pandémie de coronavirus (COVID-19) a renforcé le caractère nécessaire d’Internet, dans le cadre des confinements et l’application des mesures de distanciation sociale généralisés. L’Internet a permis aux proches de rester en contact, aux entreprises et aux gouvernements de continuer à fonctionner, aux étudiants d’apprendre, aux patients d’accéder aux soins, etc. Ce brusque accroissement des besoins souligne la nécessité de développer l’infrastructure Internet et de résorber la fracture numérique.

Le terme « infrastructure Internet » réunit l’accès (notamment les réseaux de fibre nationaux et internationaux pour l’échange de trafic entre les pays et à l’intérieur des pays), l’interconnexion entre réseaux au niveau des points d’interconnexion Internet (IXP ou IX en anglais) et l’hébergement des données et services dans les centres de données. Bien qu’Internet se soit montré résilient face à cette demande accrue, les gouvernements peuvent encore effectuer des améliorations pour répondre aux besoins engendrés par la crise, ainsi que pour parvenir sur le long terme à résorber la fracture numérique et à la transformation vers l’économie numérique.

À court terme, durant la crise, il a rarement été possible de créer ou d’améliorer des infrastructures, en raison du temps nécessaire à ces tâches, des restrictions des déplacements et de l’impératif de distanciation sociale. En revanche, pour répondre à l’augmentation de la demande, les autorités de régulations dans de nombreux pays ont élargi le spectre de fréquences disponible aux opérateurs pour que ceux-ci offrent davantage de bande passante, et de nombreux services de streaming ont réduit la définition de leurs vidéos afin de diminuer le trafic que cela engendre. Pour rendre plus abordable cette augmentation de l’utilisation, les opérateurs ont augmenté les limites de transmission pour les données, et ne prennent parfois pas en compte l’accès aux services pédagogiques et de santé pour ces limites, souvent en coordination avec l’organisme de régulations.

À moyen terme, après la fin des confinements et des impératifs de distanciation sociale, mais avant la construction de nouvelles infrastructures, les gouvernements devront prendre des mesures supplémentaires pour répondre aux besoins d’une infrastructure Internet plus étendue. Cela passe notamment par encourager la compétition dans les secteurs des fournisseurs de réseaux nationaux et internationaux, l’élargissement du spectre de fréquences disponible pour les opérateurs de téléphonie mobile et les autres fournisseurs et le développement de régulations visant à promouvoir l’hébergement local. Pour maximiser l’échange de trafic au niveau local, il est nécessaire de lever toutes les restrictions à l’accès à un IXP local. L’utilisation des moyens de paiement numérique doit également être mise en place ou renforcée, afin de soutenir l’économie numérique.

Enfin, à long terme, lorsqu’il sera possible de construire de nouvelles infrastructures, un plan national pour le haut débit devra être adopté ou mis à jour. L’organisme de régulation peut augmenter le nombre de licences d’accès aux infrastructures et soutenir le développement du réseau de fibre au niveau national et international. Il peut se concentrer sur l’augmentation des déploiements pour les réseaux fixes et mobiles à haut débit, en ayant recours, lorsque cela est possible, à de nouvelles technologies et à de nouveaux modèles, tels que les réseaux communautaires. Ce plan peut également soutenir le développement d’IXP existants ou la création de nouveaux IXP. De plus, la politique gouvernementale doit viser à améliorer les connaissances numérique et à soutenir la création de nouveaux contenus et services.

La crise du COVID-19 a mis en évidence l’importance d’Internet pour le travail, l’accès aux services gouvernementaux, la communication et l’éducation. Les gouvernements doivent intégrer à leurs réponses à la crise une réflexion sur le long terme sur la manière de rendre l’accès à Internet universel et abordable dans leur pays.

Introduction

La pandémie de COVID-19 a été un choc violent, d’une ampleur mondiale. Elle a contraint les individus à rester chez eux, si possible, et à rester à distance les uns des autres à l’extérieur. Dans de nombreux pays, les entreprises, les usines, les écoles et les gouvernements ont fermé, et beaucoup ont eu de ce fait des difficultés à gagner leur vie, poursuivre leur éducation et accéder à d’importants services gouvernementaux. Dans de nombreux cas, Internet a pu être le lien qui a permis aux familles et aux amis de communiquer et de se divertir, qui a rendu possible le travail depuis son domicile, qui a permis aux élèves d’apprendre en ligne et qui a fourni des outils en ligne, notamment des conseils de santé, pour mieux lutter contre la pandémie. Pourtant, ce rôle de lien n’a pas été universel, ce qui souligne la nécessité de solutions politiques et réglementaires pour résorber la fracture numérique.

Ces circonstances malheureuses auront au moins eu un avantage : la réponse à la pandémie a apporté une validation générale de la manière dont Internet est conçu.[1] Internet a su prendre en charge l’augmentation de l’utilisation et a fait la preuve de sa résilience. Cependant, l’augmentation de la demande d’accès et de l’utilisation ont mis en évidence les failles existantes dans l’accès et l’infrastructure, en ce qui concerne à la fois la portée et la capacité des réseaux permettant l’accès à Internet. Dans le même temps, la demande a évolué, et s’oriente désormais davantage vers le besoin de contenus et de services en ligne, pour le travail, l’éducation, les services gouvernementaux, la socialisation, les achats, la santé et les divertissements.

Cette crise a amplifié la fracture numérique, entre les pays comme au sein d’un même pays, tout en lui conférant une tout autre dimension. Il est important de ne pas prendre uniquement en compte les utilisateurs avec ou sans accès à Internet, mais aussi ceux dont l’accès à Internet est précaire. Il s’agit des personnes qui peuvent accéder à un niveau minimal de service, mais pas au niveau accru nécessaire à la satisfaction des nouveaux besoins. Dans le même temps, il ne s’agit pas uniquement de savoir si les pays dotés d’une économie numérique peuvent développer des services et des contenus permettant de répondre aux nouvelles demandes : les économies numériques en voie de développement peuvent ne pas être en mesure de fournir ces contenus et services assez rapidement pour répondre aux besoins engendrés par le confinement.

Plusieurs gouvernements et entreprises tentent de répondre à ces problématiques grâce à des solutions innovantes qui contribueront à la résolution des lacunes des marchés. Un grand nombre de solutions ont un objectif à court terme, et visent à répondre aux problèmes immédiats qu’ont entraînés les confinements non anticipés et l’impératif de distanciation sociale. Cependant, les solutions à court terme ne peuvent pas résoudre tous les problèmes. Certaines solutions nécessitent davantage d’organisation, que les gouvernements et les entreprises devraient apporter prochainement. À plus long terme, il est possible que cette nouvelle familiarisation avec les outils en ligne donne naissance à une « nouvelle norme ou normalité », dans laquelle le travail, l’éducation et la socialisation sur Internet seront plus répandus et acceptables. Les changements qui surviennent aujourd’hui peuvent contribuer à cette évolution.

Cet article se focalise sur les défis engendrés par la crise du COVID-19 et ses conséquences potentielles dans la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), et s’appuie sur un rapport publié précédemment, qui suggère des recommandations de politique générale sur les mêmes sujets, mais en dehors du contexte de la réponse à la pandémie.[2]

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Notes

[1] Voir David Belson, « The Internet Is Resilient Enough to Withstand Coronavirus – But There’s a Catch, » Internet Society, 13 mai 2020, https://www.internetsociety.org/blog/2020/05/the-internet-is-resilient-enough-to-withstand-coronavirus-but-theres-a-catch. Le problème en question est le manque d’accessibilité et le coût élevé du haut débit sur le dernier kilomètre. Voir également https://www.washingtonpost.com/technology/2020/04/06/your-internet-is-working-thank-these-cold-war-era-pioneers-who-designed-it-handle-almost-anything

[2] Michael Kende, « Middle East & North Africa Internet Infrastructure Report, » Internet Society, 18 mai 2020, https://www.internetsociety.org/resources/doc/2020/middle-east-north-africa-internet-infrastructure-report

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