Pour la Digital Empowerment Foundation, la création de réseaux communautaires est à la portée de tous. D’ailleurs, certains en créent.
Si la connectivité Internet est importante pour notre société mondiale, en Inde rurale, c’est un luxe auquel peu de villages ont accès. Osama Manzar, fondateur de la Digital Empowerment Foundation, a passé les dernières décennies à essayer de changer cela. Cet ancien journaliste devenu développeur numérique s’efforce de créer une équité en matière d’Internet en Inde.
Dans de nombreuses régions du monde, la connectivité et l’infrastructure Internet sont mises en place par des entités et des entreprises privées. Mais ces entités le font pour le profit, pas dans un but humanitaire, et dans les zones rurales, le rapport coût-bénéfice ne les y incite pas. M. Manzar lutte contre le sous-développement en se rendant dans les villages du pays et en créant des réseaux communautaires avec les habitants. Presque tout le monde est impliqué à un titre ou à un autre.
« Internet n’est pas nécessairement à la pointe de la technologie », a-t-il déclaré. « Tout un chacun peut installer ce système et le maîtriser. Les électriciens et les charpentiers apprennent leur métier de façon non technologique, et il en va de même pour Internet. Les personnes qui gèrent leur connectivité à la maison ne sont pas des techniciens, mais elles ont appris à le faire. Vous pouvez créer ce niveau de confiance et tout le monde peut y parvenir. »
Et ça marche. Des dizaines de villages de l’Inde rurale sont désormais connectés et fonctionnent de manière autonome, les habitants étant chargés de l’entretien, de la technologie et de la maintenance. Depuis 2002, M. Manzar s’efforce d’éradiquer ce qu’il appelle la pauvreté de l’information dans le pays, par l’intermédiaire de la Digital Empowerment Foundation.
« Nous avons construit 150 réseaux communautaires en Inde et formé des centaines de milliers de personnes« , explique M. Manzar. « Nous voulons que tous les villages disposent de ces réseaux et se gouvernent eux-mêmes ».
Selon M. Manzar, la pandémie de COVID-19 a accentué le besoin de connectivité à presque tous les niveaux. Les gens parlent soudainement de la fracture numérique parce que le virus a poussé la population à rester chez elle, dit-il.
« Lorsque vous êtes confiné chez vous, vous devez travailler à la maison, vous instruire à la maison, recevoir des soins médicaux à la maison », a-t-il déclaré. « Tout ce qui vous faisiez à l’extérieur, vous devez maintenant l’effectuer chez vous, et lorsque toutes les tâches se font à domicile, vous avez besoin d’une infrastructure numérique, afin de pouvoir communiquer en cas d’urgence. Vous êtes désormais nettement plus dépendant de cette infrastructure. »
Il coordonne donc cette connectivité. Ces connexions sans fil ne sont pas seulement des liaisons point à point abstraites. Elles doivent tenir compte à la fois de la distance et de la ligne de visée. Lors de la création de petits réseaux communautaires, les points de connectivité doivent être suffisamment proches les uns des autres pour conserver le signal, et ce qui est tout aussi important, c’est que rien ne doit bloquer le chemin du signal, notamment la topographie naturelle.
« Il faut chercher des hauteurs naturelles : collines, bâtiments, réservoirs d’eau, etc. qui ne coûtent rien. Nous utilisons de vieilles tiges de fer, et des choses comme ça », ajoute M. Manzar. « Nous créons localement un grand esprit de culture selon lequel vous pouvez non seulement posséder le réseau, mais aussi le construire physiquement en maniant tous ces facteurs. »
Tout a commencé par une collaboration avec l’Internet Society, il y a 10 ans. Internet étant si souvent aux mains des grandes entreprises, les communautés moins peuplées sont négligées. Les entreprises privées opèrent en fonction des profits et des pertes, et ne voient pas nécessairement un retour monétaire de leurs investissements dans ces zones. Elles travaillent en fonction du volume et connectent les endroits qui leur sont rentables. Les gouvernements essaient de connecter leur population, mais ils agissent lentement et de manière inefficace, selon M. Manzar. Son objectif est de combler le fossé numérique en donnant la priorité aux personnes.
Selon lui, les autres habitants qui ne sont pas connectés sont pauvres et mal desservis. Lorsqu’il se rend dans les communautés, il constate qu’ils ont des problèmes de revenus, moins d’équipements et moins d’infrastructures à la base. Ils vivent pour la plupart dans des zones très rurales. Ils sont disséminés. Alors, avec le soutien de l’Internet Society, il les aide. Une fois par an, les deux organisations s’associent pour créer des réseaux communautaires dans le pays d’origine de M. Manzar.
« Nous avons choisi un endroit pour réaliser le projet pilote, qui a remporté un franc succès, et c’est ainsi que nous avons été présentés [à l’Internet Society] », explique M. Manzar. « Maintenant, chaque année, nous nous rendons dans un autre endroit pour créer un réseau communautaire. Chacun a un nouveau but et un nouvel objectif, mais au fond, nous utilisons des innovations technologiques parcimonieuses pour créer de nouveaux réseaux pour de nouvelles communautés. »
M. Manzar explique qu’en utilisant l’environnement naturel et en recyclant des articles ménagers, il est possible de créer ces réseaux à moindre coût et d’apprendre aux habitants de ces régions non seulement à les faire fonctionner, mais aussi à les paramétrer initialement. L’Internet Society aide à fournir ces opportunités d’apprentissage, par le biais de tutoriels vidéo et de formations progressives, afin que les villageois puissent dépanner et maintenir les réseaux eux-mêmes.
« Cette technologie n’est pas entre les mains des ingénieurs, des hommes d’affaires ou des capitalistes « , a déclaré Manzar. « Il y a un spectre sans licence, il existe une technologie qui peut être apprise sans être riche ni éduqué. C’est ce qui m’a poussé à essayer d’universaliser Internet et cela m’a conduit aux réseaux communautaires. »
Selon M. Manzar, un réseau communautaire est un moyen et non une fin. Son objectif est de faire en sorte que tous les habitants de l’Inde, y compris les populations tribales, les pauvres et les personnes vivant dans des régions reculées, aient accès à l’Internet et à ses possibilités.
« Le réseau devient un moyen équitable pour eux de participer à l’économie de la connaissance. Cela me motive », a-t-il déclaré. « Ces personnes sont celles qui disposent des connaissances et de la sagesse les plus vastes, mais d’une manière ou d’une autre, leur sagesse n’est pas comprise par les responsables extérieurs, qui gèrent les infrastructures. Il est important que ces personnes disposent d’une connectivité. »
M. Manzar maintient qu’il n’est pas ingénieur. Il a commencé comme journaliste et, à ce jour, il écrit toujours une colonne pour Mint. Il est passé de la rédaction d’articles sur les défis informatiques et la technologie pour ComputerWorld à la création de la Digital Empowerment Foundation, un groupe qui s’efforce de fournir une technologie numérique aux populations mal desservies dans plus de 800 sites et 10 pays, principalement en Asie du Sud. Aujourd’hui, il aide son pays à mettre en place des réseaux par ses propres moyens.
Ces réseaux sont des boîtes à outils qui permettent aux citoyens de devenir indépendants, de devenir des innovateurs en leur permettant de se connecter et de contribuer, dit-il.
« Les réseaux sont nécessaires car si vous n’en disposez pas, vous resterez reclus, comme si vous n’existiez pas. Nous ne voulons pas que ces communautés soient mises à l’écart du monde. »
Dans le monde entier, des communautés développent des connexions Internet à partir de rien et se connectent. Lisez leurs histoires.