Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), certains pays ont répondu aux défis de la pandémie mondiale en adoptant des changements de politique, comme la levée temporaire de l’interdiction de la VoIP afin que les citoyens puissent communiquer plus facilement. Ces mesures donnent à la région un aperçu des avantages sociaux et économiques immédiats d’un Internet florissant. Existe-t-il d’autres politiques et réglementations dans cette même région qui pourraient être améliorées afin de minimiser les effets néfastes sur les caractéristiques essentielles de l’Internet et sur l’économie saine qu’il favorise ? La nouvelle étude de l’Internet Society, Internet Governance in the Middle East and North Africa, explore cette question.
Le succès et la force de l’Internet reposent sur cinq caractéristiques essentielles qui, ensemble, garantissent son fonctionnement pour tous. Malheureusement, les gouvernements du monde entier, notamment ceux de la région MENA, prennent de plus en plus de décisions susceptibles d’avoir un impact et de nuire à ces fondements. Pire encore, ils semblent ne pas s‘en rendre compte. Pour s’assurer que nous pouvons tous utiliser le plein potentiel de l’Internet, en particulier en temps de crise, les gouvernements doivent s’efforcer de protéger cette base contre toute politique ou réglementation qui pourrait lui nuire. C’est pourquoi l’Internet Society a développé une Boîte à outils pour l’évaluation de l’impact sur Internet.
La gouvernance de l’Internet au Moyen-Orient et en Afrique du Nord met en évidence la façon dont plusieurs politiques et réglementations dans la région pourraient compromettre ces caractéristiques essentielles. Il s’agit notamment de la localisation des données, des interdictions de la VoIP, des coupures d’Internet, du filtrage du contenu, des restrictions des points d’échange Internet (IXP) et des passerelles internationales.
Les réglementations dans ces domaines sont généralement déclenchées par la nécessité de mettre en œuvre une réforme incomplète du secteur des télécommunications, dans le cadre de laquelle le gouvernement conserve la propriété du fournisseur historique. Dans d’autres cas, ces politiques et réglementations sont établies pour tenter de garantir la confidentialité et la sécurité des utilisateurs en général, et en période de troubles politiques.
Cependant, le rapport a constaté que chaque politique avait un impact direct sur au moins une des caractéristiques essentielles de l’Internet, entravant ainsi sa résilience et son accessibilité. Voici comment :
- Les exigences en matière de localisation des données sont souvent présentées comme un moyen de sécuriser et de protéger les informations sensibles telles que les données financières et de santé. Il existe sans doute des incitations économiques à développer ce marché des données locales. Cependant, cette pratique risque également de porter atteinte à l’accessibilité de l’infrastructure d’Internet et de saper les avantages d’un réseau mondial.
- Les interdictions de VoIP sont souvent destinées à protéger les revenus du fournisseur de télécommunications titulaire d’une licence. Cependant, les opérateurs historiques de téléphonie fixe au Moyen-Orient appartiennent à l’État, ce qui signifie que le gouvernement bénéficie directement des revenus. En outre, les interdictions de VoIP entravent la propriété d’usage général d’Internet.
- Les coupures d’Internet sont généralement des actions menées par l’État pour limiter les troubles publics. Nous ne pouvons pas sous-estimer les conséquences de l’interdiction de l’accès à Internet.
- Les incitations au filtrage du contenu sont similaires aux coupures d’Internet, et cette mesure affecte plus d’une caractéristique essentielle : elle va à l’encontre du concept de gestion décentralisée, et entrave à la fois l’infrastructure accessible d’Internet et sa capacité à agir comme un réseau à usage général.
- Restrictions relatives aux points d’échange Internet (IXP) : Les IXP permettent aux fournisseurs de contenu et aux autres organisations d’échanger directement du trafic sans avoir à acheter du transit. L’imposition de restrictions sur leur déploiement et leur utilisation entraîne une gestion centralisée, ce qui va à l’encontre du principe fondamental de gestion décentralisée qui est à la base du succès de l’Internet.
- Les passerelles internationales dans les pays où la concurrence est faible sont contrôlées par l’opérateur historique fixe et contribuent ainsi à soutenir les revenus de ces derniers. Cependant, le pouvoir de marché au niveau de la passerelle nuit également à plusieurs caractéristiques essentielles.
Outre l’impact négatif de ces réglementations d’ordre social et économique sur les fondements de l’Internet, les conséquences sont particulièrement graves pour les utilisateurs. Le fait que l’État reste propriétaire de l’opérateur historique maintient les prix élevés et limite l’adoption d’Internet. La coupure des services et le filtrage du contenu affectent directement les gens, surtout en période de confinement, alors qu’ils dépendent plus que jamais d’Internet pour les communications de santé publique. En outre, la restriction des opérations des points d’échange Internet peut avoir un impact sur la résilience d’Internet, une ressource vitale.
Les avantages que l’Internet apporte aux personnes, aux entreprises et aux services publics sont primordiaux et augmentent de minute en minute. La pandémie l’a clairement montré, mais ce phénomène se poursuivra longtemps après la fin de celle-ci. Plus les pays de la région MENA s’attaquent aux problèmes qui affectent les caractéristiques essentielles de l’Internet et promeuvent le mode de fonctionnement du réseau Internet, plus l’Internet peut apporter des avantages économiques et sociaux.
Explorez la boîte à outils d’évaluation de l’impact de l’Internet pour vous assurer que les décisions politiques, technologiques et commerciales ne nuisent pas à l’Internet.
Image de David Rodrigo via Unsplash