L’Internet Society est très concernée par les perturbations et les coupures répétées des services Internet et des médias sociaux au Tchad depuis le début du mois d’avril 2018.
Les coupures d’accès à Internet ne sont pas une solution aux défis politiques et économiques.
Des perturbations ordonnées par le gouvernement ont été signalées à partir du 2 avril 2018, dans le contexte de protestations politiques et de troubles à travers le pays. Ce n’est pas la première fois que l’accès à Internet est suspendu au Tchad. En janvier 2018, le réseau a été perturbé à la suite de manifestations organisées par des organisations de la société civile. Aussi en 2016, le Tchad a connu une coupure de huit mois des médias sociaux suite à des élections présidentielles controversées de 2016.
Bien que nous reconnaissions que le gouvernement Tchadien a le devoir de maintenir l’ordre public, il y a peu de preuves sur les avantages des coupures Internet comme moyen efficace de prévention de toute forme de protestation violente. D’un autre côté, il y a de plus en plus de preuves sur les dommages collatéraux résultant de la privation des populations de l’accès à Internet. L’un de ces dommages est économique : ces perturbations auraient coûté au pays 18 millions d’euros (environ 13 milliards de francs CFA) selon « Internet Sans Frontières ». Ce sont des chiffres extrêmement prudents qui ne tiennent même pas compte d’un ensemble de facteurs économiques cumulatifs.
Les coupures Internet touchent également des milliers d’entrepreneurs locaux et de professionnels qui dépendent de la connectivité pour travailler. Au-delà des coûts immédiats, un environnement marqué par des perturbations fréquentes et arbitraires ébranle la confiance que les investisseurs et consommateurs ont dans le réseau Internet en tant qu’infrastructure pour construire et soutenir leurs activités économiques. La croissance à long terme soutenue par les TICs ne peut pas se réaliser si l’on ne sait pas si demain sera connecté ou non.
Au moment où les gouvernements du monde entier, y compris le gouvernement Tchadien, se sont engagés à tirer meilleur parti de la puissance de l’Internet et des TICs pour atteindre les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies, spécifiquement l’objectif 9C, qui vise à accroître sensiblement l’accès aux TICs et à s’efforcer de fournir un accès universel et abordable à Internet dans les PMA (Pays les Moins Avancés) d’ici à 2020, les restrictions d’accès à Internet ne sont pas un pas dans la bonne direction. Les coupures Internet menacent ces promesses, en particulier pour une population qui est la plus jeune au monde et qui a besoin de l’accès et de la connectivité pour innover, créer des emplois et façonner l’avenir.
En coupant l’accès à Internet, le gouvernement Tchadien va à l’encontre de la résolution A/HRC/32/L.20 de 2016, qui condamne fermement la censure sur Internet. En outre, le gouvernement va à l’encontre de l’article 27 de la Constitution Tchadienne, qui garantit la liberté d’expression.
À la lumière de l’impact des coupures d’Internet sur les droits fondamentaux des citoyens, l’économie et la société dans son ensemble, nous appelons le gouvernement Tchadien à rétablir immédiatement l’accès total à l’Internet et à donner la priorité au dialogue et aux solutions pacifiques pour résoudre les défis actuels du pays. #KeepItOn
Crédit d’image: Flickr CC BY SA