Il y a six mois, lorsque l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que le COVID-19 était une pandémie, le télétravail et l’enseignement en ligne ont connu un essor fulgurant. À l’époque, nous nous demandions si l’Internet était suffisamment performant pour faire face au coronavirus. Après plusieurs mois d’observations, nous avons confirmé que tel est le cas, notamment en raison de la force, de la résilience et du succès de l’architecture ouverte qui le sous-tend. Depuis lors, les inquiétudes concernant la capacité de l’Internet à gérer l’augmentation du trafic due au confinement semblent s’être apaisées, ce qui a entraîné une diminution du nombre d’articles et de billets de blog sur le sujet.
Retour à la normale
Alors que nous entamons les derniers mois de 2020, certaines entreprises ont rouvert leurs portes de manière limitée, permettant aux employés de retourner sur leur lieu de travail physique. De nombreux étudiants retournent également à l’école, que ce soit en personne ou en ligne. Pourtant, le manque d’accès à un Internet abordable et de qualité reste un problème important. Au début de l’année, nous avons entendu des récits d’étudiants assis devant les écoles et les bibliothèques à la recherche d’un réseau WiFi fiable pour assister aux cours. À la rentrée scolaire en Amérique du Nord, nous avons entendu parler d’étudiants qui utilisaient les signaux WiFi d’une chaîne de restauration rapide locale pour faire leurs devoirs. Et comme les étudiants doivent désormais compter sur l’accès à Internet comme élément essentiel de leur éducation, certains soulignent une fois de plus l’impact que les coupures d’Internet ont sur leur vie quotidienne.
Le nombre de coupures est en hausse
Bien que le COVID-19 confirme les mérites de l’Internet, les gouvernements continuent d’en perturber l’accès, en utilisant les restrictions comme moyen technique de répondre aux problèmes sociaux. Malheureusement, après une apparente pause de plusieurs mois, des coupures d’Internet à grande échelle, décidées par les gouvernements, ont lieu à nouveau. Depuis le mois de juin, nous avons observé des coupures :
- En Éthiopie (suite au meurtre d’un chanteur local populaire)
- En Syrie (examens)
- En Biélorussie (élections)
- En Irak (protestations)
- En Algérie (examens)
- Au Soudan (examens)
Les coupures d’Internet sont sans équivoque préjudiciables à l’Internet mondial et aux communautés locales. C’est pourquoi nous les avons incluses comme l’un des thèmes principaux de la nouvelle plateforme Insights de l’Internet Society, qui sera lancée dans le courant de l’année. Nous suivrons l’apparition de ce type de coupures et fournirons les informations nécessaires pour faciliter le travail des responsables politiques, des décideurs et des groupes de la société civile qui s’efforcent d’atténuer l’impact social et économique de ces coupures.
Les données que nous présenterons sur les coupures d’Internet permettront d’établir un cadre permettant de mesurer la fréquence, la durée et la portée desdites coupures sur le réseau, avec les analyses et les rapports correspondants. Nous recueillerons également des témoignages et des informations de première main auprès des communautés locales afin d’étudier la manière dont les coupures affectent les populations locales.
Impact du réseau
Après six mois de mesures globales de confinement, nous devrions maintenant être en mesure de mieux comprendre si les changements induits par le COVID en matière de trafic de réseau et de vitesse de connexion étaient temporaires. Ces indicateurs sont-ils revenus aux niveaux d’avant la pandémie ou sont-ils restés à ces nouveaux niveaux habituels ? Une étude exhaustive du trafic et des vitesses de connexion aux points d’échange Internet (IXP) ne serait pas réalisable pour un article de blog, c’est pourquoi j’ai sélectionné quelques pays pour cette étude. Pour connaître les tendances en matière de vitesse de connexion dans votre pays, consultez le Speedtest Global Index d’Ookla, ainsi que les graphiques de trafic publiés par de nombreux IXP dans des sections statistiques dédiées.
Italie
En Italie, les vitesses de téléchargement et de chargement mesurées sur les connexions fixes et mobiles ont connu des baisses nominales en mars, mais sont revenues aux niveaux d’avant la pandémie en quelques mois.
NAMEX, un IXP à Rome, en Italie, indique que le trafic a augmenté pendant plusieurs mois conformément aux ordres de confinement, mais a diminué vers le milieu de l’année. Après l’augmentation de mars à mai, le trafic est resté à peu près équivalent à celui du début de l’année.
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, les vitesses de téléchargement et de chargement des connexions mobiles ont peu changé avec l’apparition du COVID en mars, mais ont diminué vers la fin de l’été. Les vitesses de téléchargement et chargement des connexions fixes ont en réalité augmenté au cours des six derniers mois.
Au London Internet Exchange (LINX), qui possède plusieurs sites au Royaume-Uni, les tendances du trafic étaient similaires à celles observées au NAMEX : les volumes ont augmenté avec l’entrée en vigueur des confinements, mais avec le temps, ils se sont stabilisés à des niveaux supérieurs à ceux observés au début de l’année.
Japon
Les vitesses de téléchargement des connexions mobiles au Japon ont en fait augmenté en mars et avril. Il est envisageable que, un plus grand nombre de personnes restant chez elle, le trafic des réseaux mobiles se soit déplacé vers les connexions domestiques. Les vitesses de chargement mobiles ont également connu une augmentation nominale. En revanche, au Japon, les vitesses de téléchargement et chargement du haut débit fixe ont légèrement diminué, un plus grand nombre de personnes se connectant à leur domicile. Ces vitesses ont toutefois augmenté à partir du mois de juin.
Au Japan Internet Exchange (JPIX), le graphique du trafic « métropolitain » montre l’augmentation du trafic au début de l’année 2020, avec une nette pointe en mars. Le trafic a diminué pendant l’été, mais il reste supérieur aux niveaux d’avant la pandémie.
Nigeria
Les vitesses de téléchargement et de chargement des connexions mobiles sont restées assez constantes tout au long de l’année 2020 au Nigeria, et ne semblent pas avoir été affectées de manière significative par les changements de trafic liés au COVID. Cependant, alors que les vitesses du haut débit fixe augmentaient au début de l’année, les téléchargements et chargement ralentissaient en mars et avril avant de commencer à se rétablir.
Le trafic à l’Internet Exchange Point of Nigeria (IXPN) était d’environ 80 Gbit/s en janvier et février, mais il a commencé à augmenter en mars, avec des pics moyens de près de 50 % en juillet et août. Les niveaux de trafic à l’IXPN restent plus élevés qu’avant le COVID-19. On ne sait pas exactement ce qui a provoqué la hausse du trafic fin juin/début juillet.
Émirats arabes unis
Aux EAU, les vitesses de téléchargement des connexions mobiles ont augmenté début 2020, mais ont connu une légère baisse en avril. Cependant, elles se sont rapidement redressées et ont ensuite augmenté de près de 50 % au cours des mois suivants. Les vitesses de chargement des connexions mobiles sont restées constantes. De manière inattendue, les vitesses de téléchargement et de chargement fixes ont connu une forte croissance et semblent n’avoir pas été affectées par la croissance du trafic liée à la pandémie.
À l’UAE-IX, le trafic a augmenté d’environ 25 % au cours du mois de mars, et est resté élevé ces six derniers mois. Il semble que le trafic pourrait continuer à augmenter à mesure que la fin de l’année approche.
Brésil
Au Brésil, le COVID-19 s’est lentement répandu en mars et avril, mais le nombre de nouveaux cas a augmenté de manière spectaculaire en juillet et août, à mesure que certains confinements se faisaient moins stricts. Les vitesses de téléchargement sur les réseaux fixes et mobiles du pays ont augmenté de 15 à 20 % au cours des six derniers mois, malgré l’évolution de la structure du trafic sur les deux types de réseaux. Les vitesses de chargement sur les réseaux fixes à haut débit ont également connu une forte croissance, tandis que les vitesses de chargement sur les réseaux mobiles ont connu un taux de croissance beaucoup plus faible.
Les statistiques agrégées du trafic sur le Brazil Internet Exchange (ix.br) montrent une nette augmentation en mars, même si les confinements généralisés dans le pays n’ont commencé qu’en mai. Après le début des confinements, le trafic a continué à augmenter, bien qu’à un rythme plus lent qu’en mars. Les niveaux de trafic restent de 30 à 40 % plus élevés qu’avant la pandémie.
Canada
Au Canada, les communautés indigènes et le nord du pays ont été particulièrement touchés par le manque de connectivité Internet fiable lors du COVID-19. Cependant, en moyenne dans l’ensemble du pays, les vitesses de téléchargement et chargement, tant sur les connexions Internet fixes que mobiles, n’ont pas connu de changements notables au cours des six derniers mois. Les vitesses de téléchargement et chargement sur les réseaux mobiles ont légèrement diminué, tandis que les vitesses de téléchargement et chargement sur les réseaux fixes ont augmenté de 5 à 10 %.
À l’instar des tendances de trafic observées sur de nombreux autres points d’échange Internet, le trafic du Toronto Internet Exchange (TORIX) a augmenté à la mi-mars alors que le COVID-19 se répandait en Amérique du Nord et que les écoles et les entreprises fermaient leurs portes. Le trafic est resté élevé jusqu’en mai, mais a chuté au début de l’été avant de reprendre sa croissance en août.
Propriétés essentielles
Bien que les vitesses de connexion dans certains des pays étudiés ci-dessus aient pu baisser en raison de changements dans les habitudes d’utilisation pendant les périodes de confinement, elles ont généralement repris depuis. Dans d’autres pays, les vitesses de connexion ont continué à augmenter malgré l’augmentation du trafic Internet. Parmi les IXP étudiés, tous semblent avoir géré sans problème la croissance du trafic observée au cours des six derniers mois, ces volumes de trafic plus élevés constituant une nouvelle base de référence.
Alors que de nombreux gouvernements n’étaient pas préparés pour faire face au COVID-19, l’Internet l’était, grâce aux propriétés essentielles qui sous-tendent sa force et son succès. Elles ont permis à de nombreuses personnes qui disposent d’un accès stable de continuer à travailler, à apprendre, à garder contact et à collaborer à la recherche de solutions à la pandémie en cours. Les fondements de l’Internet lui permettent d’être résilient, flexible et réactif aux besoins changeants des populations du monde entier.
Cependant, l’Internet n’est fort et efficace que pour ceux qui y ont accès. Sa robustesse et sa capacité à faire face à des demandes en évolution rapide ne profitent pas aux populations sous-connectées et non connectées du monde entier. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin que les décideurs politiques travaillent ensemble pour combler la fracture numérique
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