Le Nigeria a vu son trafic Internet local passer de 30 à 70 % au cours des huit dernières années, ce qui a permis de connecter davantage de personnes, d’augmenter la vitesse et de réduire les coûts. Selon le rapport de l’Internet Society intitulé Ancrer et établir l’écosystème africain de l’Internet : Les leçons apprises au cours du développement des points d’échange Internet du Kenya et du Nigéria, ils y sont parvenus grâce à l’implémentation des points d’échange Internet (IXP).
Entre 2012 et 2020, le nombre de réseaux d’appairage est passé de 30 à 71, et de nouvelles plateformes d’échange ont été mises en place à Abuja, Kano et Port Harcourt. La multiplication des réseaux et des IXP a fait passer le volume de trafic Internet échangé au Nigeria de 300 Mbit/s à un pic de 125 Gbit/s à Lagos.
Muhammed Rudman a lancé le point d’échange Internet du Nigeria (IXPN) en 2006, au moment où le secteur se développait. La plupart des réseaux au Nigeria ne pratiquaient pas l’appairage. Un important câble sous-marin, le Sat3, offrait des services dans tout le pays. Les autres réseaux étaient desservis par des VSAT. Cela signifie que quatre-vingt-dix-neuf pour cent des sites Web étaient hébergés à l’étranger.
« Le contexte était difficile », explique M. Rudman, un vétéran de l’informatique et directeur général fondateur d’IXPN, basé à Lagos, la plus grande ville du Nigeria. Lorsqu’il approchait les fournisseurs de services Internet, on lui demandait souvent combien de réseaux faisaient déjà l’objet d’un appairage. Faute de réseaux échangeant du trafic, on lui disait souvent : « Quand vous aurez plusieurs réseaux, revenez nous voir, on fera un appairage à ce moment-là ».
M. Rudman a persévéré et le changement a eu lieu. « Si vous ne vous connectez pas maintenant au premier IXP, qui sera le pionnier des réseaux ? » Des messages aussi simples ont conquis les FAI. Peu à peu, d’autres FAI ont cru au projet. Au départ, aucun accord de partenariat n’avait été signé afin d’encourager d’autres réseaux à se connecter. « Pour établir de bonnes relations, et afin de nous concentrer sur l’appairage, nous avons délibérément évité les processus formels et préféré les poignées de mains« , explique M. Rudman. Par la suite, les organisations ont été invitées à signer des accords.
Les IXP permettent de localiser l’échange de trafic entre les FAI sur un marché donné et d’inciter les fournisseurs de contenu à diffuser ce dernier plus efficacement.
Mais pour qu’un IXP réussisse, il faut l’appui d’une communauté de personnes passionnées sur le terrain : des décideurs politiques, des régulateurs et des entreprises qui l’embrassent et collaborent en vue de créer ces points d’ancrage essentiels du trafic local et l’écosystème qui l’entoure.
La collaboration est la clé, explique M. Rudman. Les IXP concernent tout le monde.
La Nigerian Communication Commission (NCC) a apporté un financement initial afin de contribuer au lancement de l’IXP. À un moment donné, M. Rudman était seul à tout gérer : des comptes à l’administration en passant par la défense et la promotion de l’appairage. « J’étais déterminé à voir le projet fonctionner », dit-il.
Comme l’Internet n’existait que dans les grandes villes, M. Rudman s’est d’abord concentré sur Lagos. Il s’est ensuite intéressé à d’autres régions. L’IXPN a maintenant des points de présence à Lagos, Abuja, Port Harcourt, Kano et Enugu – cinq des régions du pays. La prochaine étape sera dans le nord-est du pays.
À Abuja, le trafic s’est considérablement amélioré. La localisation du contenu est plus importante, dit-il avec un brin de satisfaction. Il entrevoit d’autres possibilités de croissance pour les personnes qui créent des contenus dans leurs langues locales. Chaque région du Nigeria a sa propre langue.
Ben Roberts, directeur du groupe Technologie et Innovation chez Liquid Telecom, une des sociétés ayant choisi de s’appairer à l’IXPN, affirme que le développement des IXP a permis de réduire les coûts d’accès à Internet et d’améliorer la prestation de services.
Selon M. Roberts, concernant les entreprises africaines intéressées par l’appairage, il suffit d’entrer en contact avec les bonnes personnes pour commencer. Il estime que des réunions telles que le Forum africain sur le peering et l’interconnexion (AfPIF) sont essentielles.
L’AfPIF est une rencontre qui a lieu chaque année dans différents lieux en Afrique. Il s’agit avant tout d’un forum permettant aux personnes intéressées par l’appairage de se rencontrer, de faire des affaires, d’améliorer les IXP, d’encadrer les nouveaux IXP et les nouvelles entreprises, ainsi que de partager des idées.
Selon M. Roberts, la dépendance croissante à l’égard d’Internet pour remplacer les interactions personnelles pendant les périodes de confinement et de distanciation sociale rend les IXP encore plus essentielles pour l’Afrique.
À l’échelle mondiale, les confinements dus au coronavirus ont créé une nouvelle réalité numérique et ont provoqué une augmentation de l’utilisation de l’Internet atteignant jusqu’à 70 % dans certains pays. Cela a conduit à « une croissance rapide de l’apprentissage en ligne, des vidéoconférences professionnelles, du commerce électronique, du divertissement vidéo en continu, et plus encore ».
Dans ce nouveau monde, dit M. Roberts, l’appairage est essentiel à son plan d’entreprise à long terme.
« L’appairage en Afrique nous permet de donner la meilleure expérience à nos utilisateurs d’Internet, en leur proposant la meilleure connectivité à un prix abordable leur permettant d’accéder aux meilleurs contenus et applications Internet », dit-il, ajoutant que les plateformes Internet mondiales en sont venues à installer des centres de réseau et de données en Afrique, attirées par le besoin de se connecter à des points d’appairage plus proches de leurs utilisateurs.
« L’ensemble de l’écosystème Internet africain en bénéficie, et cela favorise l’innovation locale, comme le fait que les enseignants se tournent désormais rapidement vers la dispense de cours en ligne pour les enfants afin de leur permettre de continuer à apprendre pendant que les écoles sont fermées », explique M. Roberts.