La pandémie de COVID-19 a non seulement causé plus d’un million de décès sur la planète, mais elle accélère également le déclin des libertés sur Internet dans le monde entier, selon un nouveau rapport de Freedom House.
Freedom on the Net 2020, le rapport parrainé par l’Internet Society, souligne que l’année écoulée a été « particulièrement sombre » en matière de libertés sur Internet. Les dirigeants politiques ont utilisé la pandémie comme excuse pour limiter l’accès à l’information et mettre en place de nouvelles mesures de surveillance, affirme le rapport.
Parallèlement, le fractionnement au ralenti de l’Internet s’est transformé en une « course effrénée vers la ‘cyber-souveraineté’, chaque gouvernement imposant ses propres réglementations sur l’Internet de manière à restreindre le flux d’informations au-delà des frontières nationales », selon le rapport. Les autorités de plusieurs pays, dont les États-Unis, la Chine, la Russie, le Brésil et la Turquie, ont érigé de nouvelles frontières numériques.
En conséquence, les libertés sur Internet ont régressé pour la dixième année consécutive, indique le rapport, qui suit le sujet dans 65 pays, couvrant 87 % des utilisateurs d’Internet dans le monde. Entre mai 2019 et juin 2020, le rapport a constaté que les résultats en matière de libertés sur Internet ont chuté dans 26 pays, 22 par contre ont affiché une progression nette.
Les baisses les plus importantes ont été enregistrées au Myanmar et au Kirghizstan, suivis par l’Inde, l’Équateur et le Nigeria. Un nombre record de pays ont délibérément suspendu leur service Internet.
En revanche, le Soudan et l’Ukraine ont enregistré les améliorations les plus importantes, suivis du Zimbabwe.
L’Islande a obtenu le meilleur score en matière de libertés sur Internet, suivie de l’Estonie, du Canada, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Les États-Unis, enregistrant un déclin pour la quatrième année consécutive, se sont classés au septième rang. La Chine, depuis six ans, enregistre les pires résultats en matière de libertés sur Internet, suivie de l’Iran et de la Syrie.
Allie Funk, analyste principale en recherche sur la technologie et la démocratie à Freedom House, a déclaré que les limites imposées aux libertés sur Internet par la pandémie sont décourageantes, car elles pourraient subsister après la disparition du COVID-19.
Selon elle : « l’histoire a montré que les nouveaux pouvoirs étatiques acquis pendant une situation d’urgence ont tendance à survivre à la menace initiale. » « Nous craignons que bon nombre des mesures de surveillance renforcées mises en place perdurent longtemps après la fin de la crise sanitaire. »
Mme Funk a demandé que les applications pour smartphones limitent le partage des données dans le cadre de l’État de droit et que les gouvernements incluent la supervision et la responsabilité dans les programmes de surveillance.
Le rapport met en évidence trois grandes tendances qui ont nui à la liberté de l’Internet au cours de l’année écoulée :
- Les autorités ont invoqué la pandémie pour justifier la limitation de l’accès à l’information. Les autorités de certains pays ont bloqué des sites d’information indépendants et ont arrêté des personnes soupçonnées d’avoir diffusé des infox. Cependant, bien souvent, ce sont des fonctionnaires et des partisans de l’État qui ont répandu des informations fausses et trompeuses « dans le but de noyer les contenus véridiques, de détourner l’attention du public des réponses politiques inefficaces et de faire de certaines communautés ethniques et religieuses des boucs émissaires ».
- Les autorités ont imputé à la pandémie la responsabilité d’avoir accru la pression en faveur de nouveaux pouvoirs de surveillance. La pandémie a créé une occasion « de numériser, de recueillir et d’analyser les données les plus intimes des internautes sans protection adéquate contre les abus », indique le rapport. Dans de nombreux cas, la collecte a manqué de transparence, de contrôle indépendant et de voies de recours.
- Enfin, plusieurs pays ont fait pression pour un Internet fractionné, chaque nation souhaitant revendiquer sa propre version souveraine. « Plutôt que de protéger les utilisateurs, l’application de la souveraineté nationale au cyberespace a donné aux autorités la liberté de sévir contre les droits de l’homme tout en ignorant les objections de la société civile locale et de la communauté internationale », indique le rapport.
Ce dernier contient plusieurs recommandations à l’intention des décideurs politiques, de la société civile et des entreprises privées. Il invite les décideurs politiques à rejeter les restrictions excessives en matière d’accès à l’information et de liberté d’expression.
« Les gouvernements devraient favoriser et préserver l’accès à Internet et s’abstenir d’interdire les réseaux sociaux et les plateformes de messagerie », affirme également le rapport. « Alors que ces services peuvent présenter de véritables préoccupations sociétales et de sécurité nationale, les interdictions constituent une réponse arbitraire et disproportionnée qui restreint indûment le discours culturel, social et politique des utilisateurs ».
Les décideurs politiques devraient également s’assurer que les nouveaux programmes de surveillance respectent les normes internationales en matière de droits de l’homme relatives à la nécessité, à la proportionnalité et à la surveillance indépendante. Les gouvernements sont invités à promulguer des lois strictes sur la confidentialité des données et de protéger le cryptage, recommande le rapport.
Le rapport appelle les entreprises privées à résister aux efforts des gouvernements visant à interrompre la connectivité ou à interdire les services numériques. Il préconise également une modération équitable et transparente des contenus.
Les entreprises du Web sont appelées à donner la priorité à la libre expression des utilisateurs et à l’accès à l’information, en particulier pour les contenus pouvant être considérés comme du journalisme, des discussions sur les droits de l’homme, du matériel éducatif ou des opinions politiques, sociales, culturelles, religieuses et artistiques, recommande le rapport.
Les services Web sont également encouragés à « s’abstenir de s’appuyer sur des systèmes automatisés pour signaler et supprimer des contenus sans possibilité réelle de contrôle humain », indique le rapport.
Comprendre les différents types de dysfonctionnements de l’Internet peut nous permettre d’être de fervents défenseurs de la lutte contre ces mêmes dysfonctionnements. Consultez la note de politique générale sur les coupures d’Internet, qui souligne l’impact de celles-ci sur les populations, l’économie et les infrastructures locales et qui fournit des conseils aux décideurs politiques envisageant une interruption éventuelle des services Internet.
Image d’Andersen Jensen via Unsplash