L’histoire du point d’échange Internet du Salvador (IXSal) est peut-être la plus longue et la plus complexe, puisqu’elle a commencé à la fin du siècle dernier, en 1999, explique en souriant son fondateur, Lito Ibarra. « Cela a commencé comme une utopie après avoir entendu parler des expériences d’autres pays ».
M. Ibarra a rédigé des propositions et a reçu le soutien technique de CABASE (une organisation qui gère la plupart des IXP d’Argentine). Le pionnier de l’Internet a commencé à contacter les fournisseurs d’Internet du pays et à organiser des réunions.
En 2004, M. Ibarra a légalement fondé une organisation à but non lucratif, SVNet Association, pour gérer les enregistrements de noms de domaine .sv, tout en aspirant à la création d’un IXP.
La confiance doit régner
« Au cours de ces premières années, je pensais que SVNet pourrait être intégrée à une autre ONG fondée pour développer et gérer l’IXP. J’avais à l’esprit un rôle particulier en tant qu’organisation neutre. La confiance est primordiale, car vous mettez en relation des entreprises qui sont en concurrence pour les mêmes clients. Il faut donc que la confiance règne entre les membres. Ils doivent donc être convaincus qu’il n’y aura pas de concurrence déloyale et que leurs informations ne seront pas utilisées à mauvais escient. »
M. Ibarra se souvient que lorsque les techniciens assistaient aux réunions, ils adoraient l’idée, mais dès que les avocats des sociétés de télécommunications sont intervenus, les choses se sont ralenties.
« Ils ont dit que si nous créions un IXP, le nombre d’appels téléphoniques diminuerait », explique Ibarra. « À l’époque, il n’était pas courant de parler en ligne en utilisant la technologie de VoIP et les entreprises qui fournissaient un service Internet fournissaient également un service téléphonique. L’avancement du projet a donc été figé. «
En 2007, des ateliers ont été organisés pour les techniciens sur les points d’échange de trafic Internet et les adresses IPv6. L’Internet Society et le Registre des adresses Internet pour l’Amérique latine et les Caraïbes (LACNIC) y ont participé. Plusieurs entités ont proposé de faire don d’équipements, tels que des routeurs et des serveurs.
Les opérateurs ont semblé intéressés mais ne se sont pas engagés. Entre-temps, M. barra travaillait bénévolement et ses autres responsabilités l’empêchaient de se consacrer entièrement au projet.
Un IXP entraînerait un Internet plus rapide avec une latence réduite et des coûts de transit Internet internationaux moins élevés.
Les années ont donc passé, jusqu’à ce qu’en 2013, M. Ibarra perde son emploi de 27 ans en tant qu’administrateur informatique et réseau à l’université centraméricaine de José Simeón Cañas. Le bon côté des choses, c’est que cela lui a permis de passer à un poste à plein temps en tant que PDG de SVNet.
Cette fois, il a approché les fournisseurs d’accès Internet un par un, en leur expliquant qu’un IXP leur apporterait un Internet plus rapide avec une latence réduite et des coûts de transit Internet internationaux moins élevés. Il leur a expliqué qu’ils devaient rejoindre le réseau et payer des frais minimes, puisqu’ils allaient en bénéficier. Certains ont trouvé difficile de faire une analyse de rentabilité qui serait acceptable pour leurs supérieurs et leurs conseils d’administration afin de justifier l’investissement, même s’il était relativement faible.
« certains de ces fournisseurs étaient des multinationales et ils connaissaient les avantages… je ne comprends donc pas leur manque d’engagement », déplore M. Ibarra. Pourtant, il n’a pas baissé les bras.
Après quelques conversations informelles entre amis, M. Ibarra a trouvé un endroit neutre et gratuit pour installer l’équipement nécessaire au montage de l’IXP : dans un centre de données commercial appelé DataGuard. D’autres organisations internationales, comme le LACNIC, l’ICANN, l’Internet Society et le RIPE-NCC, ont également fait don d’une copie du serveur racine « L », d’un serveur d’ancrage RIPE, de deux serveurs supplémentaires et d’autres ordinateurs.
À ce moment-là, M. Ibarra a décidé de proposer l’IXSal comme un projet qui serait parrainé, développé, géré et exploité par SVNet.
« Tout a commencé à se mettre en place, jusqu’à ce que finalement, en 2019, je parvienne à engager une entreprise experte, Socium, qui avait installé l’IXP du Costa Rica… pour installer le point d’échange ici. »
L’Internet Society a également fait don de quelques serveurs de routage juste avant que la pandémie ne frappe. Parallèlement, l’IXSal a rejoint l’association régionale des IXP de LACNIC, LAC-IX.
« La pandémie nous a un peu retardés, mais à la fin de 2020, nous avions tout installé sur DataGuard, et nous avons poursuivi les réunions avec les fournisseurs pour les convaincre », explique M. Ibarra.
Pour l’instant, cinq fournisseurs veulent nous rejoindre, la plupart étant de petits fournisseurs de services Internet (FSI). Un grand fournisseur est sur le point d’accepter lui aussi.
Cette pandémie nous a changé la vie à tous et aujourd’hui l’IXP présente de nombreux avantages.
Parmi les convertis, on trouve Telenetwork du Salvador. « En tant qu’entreprise, nous considérons que l’IXP est une thématique avant-gardiste et que l’intégration est importante pour nous et nos clients. Nous voulons aller de l’avant avec l’IXP », déclare son directeur général, Edgar Alvarado.
Telenetwork du Salvador se focalisait sur les entreprises, mais s’est lancé sur le marché résidentiel pendant la pandémie.
« Cette pandémie nous a changé la vie à tous et, aujourd’hui, le travail qui se faisait auparavant dans les bâtiments commerciaux s’est transformé en télétravail; nous pensons donc que l’IXP présente de très nombreux avantages », explique M. Alvarado. « J’ai vu l’évolution de l’infrastructure dans notre pays et nous sommes encore limités. L’IXP nous apportera la vitesse que nous recherchons. »
M. Alvarado affirme que Telenetwork du Salvador s’est engagé dans le développement du pays. Selon lui, le simple fait de permettre aux utilisateurs finaux de télécharger leurs services sur un cloud hébergé localement, par exemple, favorisera la création et la fourniture de davantage de services : « Actuellement, l’utilisateur final développe et crée, et lorsqu’il le fait, il veut mettre ses créations sur Internet. Or, il constate que les réseaux routiers ne sont pas dans un état optimal. C’est donc comme si vous aviez une Ferrari ou une Porsche, mais que les routes n’étaient pas dans un état optimal pour ces véhicules. »
Il pense également que l’IXP renforcera la connectivité et réduira les coûts du transit international. « Si les coûts baissent, nous devrons développer davantage notre infrastructure », déclare Edgar Alvarado. « Je comprends les avantages pour le pays, pour l’utilisateur final, pour le secteur étudiant, puisque pratiquement toutes les classes sont désormais virtuelles.
Ce projet regorge d’avantages. » Alvarado pense également qu’il n’est pas nécessaire d’attendre les grands fournisseurs pour donner le coup d’envoi de l’IXP : « Je pense qu’il est préférable de commencer avec ceux qui veulent vraiment participer. Le temps passe et la réactivité est un atout essentiel pour le développement de ce projet. »
Cependant, M. Ibarra veut attendre, au moins pour pouvoir présenter le projet à la plupart des fournisseurs du Salvador, dans l’espoir que davantage de participants s’engagent, afin de pouvoir démarrer en force. Il souhaite également que tous les participants signent l’accord de coopération.
Une fois que l’IXP sera opérationnel, M. Ibarra prévoit de démarcher tous les grands réseaux de développement de contenu (Netflix, Facebook, Google, etc.) pour leur demander un point de présence ou un cache.
En attendant, l’IXSal n’a pas encore commencé à échanger du trafic.
M. Ibarra déclare : « Nous avons organisé la fête : les invitations, la musique, l’orchestre, le lieu et la nourriture. Nous n’attendons plus que les invités. »
Image de San Salvador par Estefania Ventura via Unsplash