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Technologie 20 avril 2022

Pratiques courantes d’interconnexion et de facturation des réseaux Internet

Par Vint CerfVice President and Chief Internet Evangelist, Google,
Co-founder, Internet Society

Internet a été conçu pour que toutes sortes d’ordinateurs puissent échanger du trafic entre eux sur un ensemble illimité de réseaux interconnectés. Le sens du trafic n’avait aucune importance. Puisque le but était de permettre au trafic de circuler dans les deux sens, le réseau devait prendre en charge les deux. Tous les réseaux de l’Internet ne sont pas nécessairement des services commerciaux. Nombre d’entre eux sont communautaires, à but non lucratif ou publics. Ceux qui sont à but lucratif appliquent un modèle commercial typique consistant à facturer un montant forfaitaire de connexion à Internet, quel que soit le sens du trafic. Le coût de réalisation du service dépend de la capacité, et non de la quantité de trafic envoyée. Les frais de connexion sont généralement plus élevés pour les services à haut débit. La quantité de trafic envoyée ou reçue n’est pas facturée, seulement la capacité, car le coût est le même, que cette dernière soit utilisée ou non.

Internet est un service de commutation de paquets. Les points nodaux de chaque réseau échangent des paquets, un peu comme les cartes postales du service postal, mais des millions de fois plus vite. Cela signifie qu’un paquet de données envoyé par un ordinateur dans le réseau utilise la capacité de chaque réseau qu’il traverse uniquement lors de son transport sur un lien du réseau. Dès que le paquet traverse le lien, un autre paquet est susceptible de le traverser depuis un autre ordinateur. Cela signifie que les liens entre les points nodaux de chaque réseau sont partagés dynamiquement par tout le trafic, à l’instar d’un système d’autoroute où les voitures partagent toutes le même tronçon de route les unes après les autres. Utilisé ou non, le coût du tronçon de route reste le même. Il est intéressant de noter que dans le cas d’Internet, le coût de l’augmentation de la capacité des réseaux a baissé par unité de capacité, grâce aux progrès de la fibre optique et des réseaux sans fil. Les premiers réseaux Internet avaient une capacité maximale d’environ 50 à 100 kilobits/seconde. De nos jours, les réseaux dorsaux transportent 400 à 800 gigabits/seconde par canal optique sur des réseaux de fibres sous-marins et terrestres.

Les réseaux d’Internet facturent à leurs clients l’accès à Internet, quel que soit le sens du trafic. Les réseaux doivent se connecter les uns aux autres pour former l’Internet. Lorsque deux réseaux s’interconnectent, ils améliorent la valeur de l’accès pour leurs clients. Robert Metcalfe, l’inventeur d’Ethernet, a avancé que la valeur du réseau augmente proportionnellement au carré du nombre d’abonnés. Donc si deux réseaux s’interconnectent, la valeur pour chaque abonné augmente. Cela est dû au fait que l’interconnexion renforce le potentiel de communication avec un correspondant utile. Ces interconnexions sont souvent dites « universelles » car les réseaux d’appairage ne se facturent généralement pas le transport du trafic de l’autre. Le but de l’appairage est d’augmenter la valeur du réseau pour tous les abonnés en favorisant l’échange de trafic entre l’ensemble des ordinateurs des deux réseaux.

Il existe deux façons pour les fournisseurs de services Internet d’augmenter la valeur de leurs abonnés. Ils peuvent choisir de s’appairer avec un autre réseau et chacun accepte de transporter le trafic de l’autre uniquement vers leurs abonnés respectifs. Autrement dit, les réseaux A et B ne transporteront le trafic qu’entre les abonnés des réseaux A et B, mais pas vers d’autres homologues.

Pour atteindre chaque utilisateur d’Internet, un réseau devrait toutefois se connecter à chaque autre réseau afin de s’appairer avec lui. Certains grands opérateurs de réseaux font exactement cela. Ils sont parfois appelés fournisseurs de services Internet (FSI) de niveau 1. Certains fournisseurs de contenu développent leurs propres FSI afin de s’interconnecter avec les réseaux de l’Internet. Ils établissent une infrastructure permettant l’appairage avec un grand nombre de FSI, moyennant des coûts d’investissement et d’exploitation considérables.

D’autres FSI choisissent une solution différente pour obtenir une connectivité complète avec Internet. Ils deviennent clients d’un ou plusieurs FSI qui proposent ce que l’on appelle un service de transit. Dans ce cas, le FSI qui assure le transit propose d’acheminer le trafic non seulement à tous ses abonnés (comme dans l’appairage) mais aussi à tous ses homologues, connectant ainsi efficacement le FSI client à l’ensemble d’Internet. C’est le client qui paie pour ce service. Cette solution est une alternative à la mise en place de l’infrastructure nécessaire à l’appairage. Certains FSI s’appairent avec d’autres et achètent un service de transit pour ceux avec lesquels ils ne s’appairent pas. Un rapport détaillé d’Analysys Mason traite de manière plus approfondie ces concepts importants qui décrivent les relations entre quelque 99 % des FSI évalués dans l’étude.

Les fournisseurs de contenu (FC) reconnaissent qu’une grande partie de leur matériel est de nature commune. Au lieu d’envoyer plusieurs fois le même contenu depuis les centres de données du fournisseur de contenu sur l’Internet mondial, certains FC utilisent des réseaux de distribution de contenu (RDC) pour le distribuer. Les RDC instaurent des serveurs situés sur le réseau de destination et peuvent même être hébergés dans les installations d’un FSI local (moyennant des frais). Ainsi, un film à succès peut être transféré une fois à travers l’Internet mondial vers le serveur du RDC, puis diffusé à plusieurs reprises par le réseau local du FSI aux abonnés de ce dernier.ttre le contenu en cache afin de le transmettre ensuite aux abonnés. Certains FC négocient avec les FSI locaux pour mettre le contenu en cache afin de le transmettre ensuite aux abonnés.

Contrairement à un modèle axé sur l’utilisation, le modèle de tarification de la connexion fondé sur la capacité typique d’Internet reflète précisément les coûts et encourage l’utilisation d’Internet. En effet, les abonnés n’ont pas à se soucier de la quantité de trafic qu’ils envoient ou reçoivent, mais uniquement du débit auquel ils envoient ou reçoivent. Le coût est donc déterminé par la vitesse maximale de l’accès au FSI. Les utilisateurs peuvent essayer librement de nouvelles applications, quelle que soit la quantité de trafic envoyée ou reçue, jusqu’à la capacité d’accès pour laquelle ils paient.

Ces pratiques existent depuis les prémices d’Internet et expliquent en grande partie pourquoi Internet et le World Wide Web qu’il sous-tend ont si bien réussi à encourager et à prendre en charge une multitude d’applications au fil des décennies.


Note de l’éditeur : Vint Cerf est l’un des cofondateurs de l’Internet Society et a été le premier président de notre conseil d’administration de 1992 à 1995. Il est membre de l’Internet Hall of Fame.

Clause de non-responsabilité : Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et peuvent ou pas refléter la position officielle de l’Internet Society.

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