Rapport d’impact 2021 Histoires et faits saillants
Des changements dans la réglementation rendent possible le premier réseau communautaire en Éthiopie
Des préparatifs sont en cours pour un nouveau réseau communautaire qui fournira l’accès à Internet à près de 5 000 personnes dans la communauté rurale non desservie d’Abichikili et dans deux villes voisines du nord-ouest de l’Éthiopie.
Tout a commencé avec la décision du gouvernement éthiopien de libéraliser le marché des télécommunications en 2019, pour lequel il a créé un nouvel organisme de régulation : l’autorité éthiopienne des télécommunications (ECA, Ethiopian Communications Authority). L’ECA a publié des projets de directives en 2020 et les a ouverts à des consultations publiques.
« C’est énorme, car ces directives resteront en vigueur pendant des années », déclare Dawit Bekele, vice-président régional de l’Internet Society pour l’Afrique. L’Internet Society a mobilisé son chapitre éthiopien et a créé un consortium de partenaires qui ont soumis conjointement des commentaires, exhortant l’ECA à légaliser les réseaux communautaires, entre autres changements. Les projets de directives ont ensuite été mis à jour, notamment concernant l’autorisation des réseaux communautaires, et approuvés en juillet 2021.
Nous avons poursuivi en menant une série de discussions techniques avec l’ECA afin de partager les expériences internationales des réseaux communautaires, notamment ceux du Kenya et du Zimbabwe.
L’Internet Society a également signé un protocole d’accord avec le ministère éthiopien de l’Innovation et de la Technologie en 2021 pour collaborer à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de transformation numérique du pays, qui vise à construire une infrastructure Internet et à étendre les réseaux communautaires, à développer la connectivité dans les zones rurales, à renforcer la gouvernance d’Internet et à améliorer les services numériques.
« Nous voulons non seulement déployer Internet, mais également nous assurer que chacun puisse l’utiliser pour le développement », explique Tesfa Tegegne, directeur du centre d’incubation STEM de l’université de Bahir Dar et responsable technique du projet de réseau communautaire à Abichikili. « Ce projet revêt une immense importance pour l’accès à l’information, à l’éducation, à l’agriculture et aux prestations de santé », ajoute-t-il. « Nous souhaitons que l’agriculture soit soutenue par Internet afin que les exploitations agricoles puissent devenir plus modernes », précise-t-il à titre d’exemple.
L’accès au spectre aide une communauté tribale à faire face aux urgences météorologiques
C’était l’été 2021. En raison de la fumée qui se dégageait des feux de forêt, un résident de la tribu Yurok, dans le nord de la Californie, éprouvait de la difficulté à respirer. À l’aide d’un téléphone Wi-Fi, sa nièce a appelé à l’aide. Peu après, un agent des services de santé publique a pu le déplacer vers la côte, loin du danger. Tout cela n’aurait pas été possible il y a quelques années.
70 % des terres yurok ne disposent pas de l’électricité. Sa topographie complexe, faite de montagnes, de vallées fluviales et d’épaisses forêts de séquoias, a dissuadé les fournisseurs de services Internet d’y investir. Cette situation est aggravée par le faible potentiel de profit : les 6 380 habitants de la réserve Yurok gagnent moins de 80 % du revenu national américain par habitant.
En 2013, la tribu a créé son propre petit réseau communautaire, fournissant un service rudimentaire de 1 Mb/s (jusqu’à un maximum de 5 Mb/s) aux 175 foyers et entreprises qui pouvaient recevoir un signal.
La tribu a ensuite demandé une licence de bande de fréquence, qu’elle a reçue en mars 2021. Elle a ensuite construit une tour sans fil à énergie solaire, équipée caméras incendie et météo, dans le village de Requa.
Ces activités s’inscrivaient dans le cadre de la formation Tribal Broadband Bootcamp de l’Internet Society, organisée en juillet 2021. L’évènement, qui a duré une semaine, était axé sur le thème de la création de réseaux communautaires pour des tribus telles que celle des Yuroks qui avaient reçu un spectre de fréquence gratuit via la FCC. « Je n’étais pas certaine de l’utilité du spectre de fréquence de 2,5 Ghz pour nous, mais nous avons quand même fait la demande », affirme Jessica Engle, directrice des technologies de l’information de la tribu Yurok. Elle ajoute que la formation a convaincu sa tribu de créer la Yurok Telecommunications Corporation, une société dont la fonction est de gérer son réseau communautaire.
Fin 2021, le réseau de la tribu Yurok avait atteint près de 50 %, du village, soit 250 foyers. Leur but ultime est de connecter chacune des 921 domiciles.
« En cas d’urgence, on sait qu’on peut appeler quelqu’un maintenant », explique Mindy Natt, habitante d’une zone récemment connectée dans le district de Pecwan. « L’accès à Internet et à un téléphone Wi-Fi a été très important pour nous, car on peut appeler comme si on disposait d’un service de téléphonie mobile », explique-elle. Les populations autochtones étant plus exposées aux risques liés à la COVID-19, surtout les aînés, Mindy estime qu’il est encore plus urgent de disposer d’une solution de communication d’urgence, que ce soit pour les urgences médicales, les catastrophes naturelles ou les accidents de la circulation.
Aujourd’hui, affirme Engle, de nombreux résidents suivent un enseignement à distance pour la première fois. Une résidente a partagé son enthousiasme à l’idée de parler à un thérapeute via Internet. Le juge en chef du tribunal tribal Yurok, un ancien, peut même tenir audience depuis chez lui avec Zoom.
La tribu Yurok a également reçu une subvention de l’Internet Society de 40 000 dollars américains pour construire une deuxième tour. La tour, qui sera installée en 2022, atteindra la zone la plus peuplée de la réserve.
« [L’Internet Society] nous a fourni les ressources, et nous a mis en relation avec d’autres communautés tribales. Mais surtout, elle nous aide à résoudre nos problèmes par nous-mêmes », explique Engle, ajoutant : « Ils veulent juste savoir comment nous aider à y parvenir ».
Renforcer les échanges Internet à travers les Amériques
Un tremblement de terre de magnitude 7,2 a frappé Haïti en août 2021 alors que de nombreuses personnes commençaient leur journée. Pendant plusieurs jours, le séisme et ses répliques ont dévasté le pays, faisant plus de 300 morts, des centaines de blessés, et rasant des maisons, des écoles et des églises. Mais l’IXP d’Haïti a réussi à rester connecté, assurant le fonctionnement d’Internet au moment où il était le plus nécessaire.
La résilience d’Internet face aux catastrophes naturelles a été une force motrice pour l’IXP d’Haïti. Depuis sa création en 2009, le nombre de ses membres est passé de cinq à une douzaine, dont quatre des cinq fournisseurs d’accès Internet du pays, le registre des noms de domaine d’Haïti et cinq grands réseaux de diffusion de contenu. Leur engagement a fait la différence. Grâce aux financements de l’Internet Society et d’autres organisations, l’IXP de Haïti dispose désormais de serveurs supplémentaires, de logiciels de gestion et d’outils d’automatisation, ce qui rend Internet en Haïti encore plus résilient.
Au Panama, nous avons travaillé au renforcement de l’IXP du pays, InteRed. Établi en 1997 comme l’un des premiers IXP de la région, sa croissance a ensuite ralenti et sa capacité a commencé à décliner. En 2021, le don d’équipements essentiels et des formations dispensées par l’Internet Society ont contribué à dynamiser l’IXP, en générant du trafic et en attirant de nouveaux membres.
En Bolivie, une histoire similaire s’est déroulée. Dans les années qui ont suivi son lancement en 2013, l’IXP PIT de Bolivie a été confronté à une période de stagnation. Depuis, PIT Bolivie a doublé son trafic tous les six mois (il est passé de 1,4 Go/s en février 2020 à 13 Go/s en novembre 2021).
Pour soutenir cet effort, l’Internet Society a fait don de commutateurs, permettant à PIT Bolivia de doubler sa capacité, et a fourni une formation aux normes pour la sécurisation du routage mutuellement agréées (MANRS) (Mutually Agreed Norms for Routing Security) afin de sécuriser le routage sur Internet. Ces améliorations ont permis d’augmenter le trafic, l’adhésion et les performances, en réduisant la latence de 600-700 millisecondes à 11.
« L’Internet Society est un peu notre ange-gardien », déclare le directeur général de l’IXP, Carlos Sanabria, qui précise : « C’est un facilitateur régional, qui permet à ce type de projet de fonctionner ».
En soutenant ces IXP et d’autres à travers le monde, nous contribuons à rendre Internet plus rapide, plus abordable et plus fiable pour tous, partout.
Harold Adjaho, Président du chapitre du Bénin
L’ingénieur et conseiller en sécurité Harold Adjaho a rejoint le chapitre du Bénin de l’Internet Society après avoir organisé le Benin DNS Forum en 2015. Il a rapidement gravi les échelons, devenant secrétaire du chapitre local en 2018 et président en 2020.
Harold Adjaho a agi rapidement pour mettre en œuvre une liste ambitieuse de 36 projets au cours de son mandat de deux ans. Ceux-ci vont de la formation à la sécurité du routage à la création de réseaux communautaires écologiques en passant par la sensibilisation des enfants à l’exploitation en ligne. (Regardez la vidéo du Chapitrethon du chapitre béninois dans laquelle il présente Eniola, une application d’éducation aux compétences numériques destinée aux jeunes, en particulier aux filles.)
Il a également dirigé le chapitre dans son plaidoyer réussi contre les coupures d’Internet. Pendant la période précédant les élections présidentielles au Bénin en 2021, alors que les manifestations s’intensifiaient et que des interruptions des médias sociaux étaient signalées, beaucoup craignaient une répétition de la coupure d’Internet de 24 heures survenue lors des élections législatives de 2019. Le chapitre a pris les devants et lancé une campagne, s’adressant aux organisations locales et internationales de défense des droits, notamment Access Now et Amnesty International. Il a contacté les médias locaux, promu le message #CoupezPasInternet sur les médias sociaux, publié une lettre ouverte et l’a rendue publique lors d’une conférence en direct sur Facebook et sur Tweetup, s’assurant ainsi d’une couverture médiatique internationale. Harold et son équipe ont ensuite effectué un suivi des coupures d’Internet et n’ont identifié aucune perturbation.
Le chapitre béninois montre que lorsque les défenseurs locaux et mondiaux travaillent en étroite collaboration, ils peuvent contribuer à réduire les coupures d’Internet.
Zobair Khan, ambassadeur MANRS
Zobair Khan s’intéresse depuis toujours à l’amélioration de la sécurité d’Internet. Il œuvrait au sein de trois groupes d’opérateurs de réseaux, aux niveaux national, régional et local, lorsqu’il a entendu parler pour la première fois des normes pour la sécurisation du routage mutuellement agréées (MANRS) dans le cadre d’une conférence. En tant que cadre supérieur chez Fiber@Home Limited, un réseau de télécommunications du Bangladesh, Zobair Khan s’est investi et a adopté ces normes pour son entreprise.
En 2021, il a été sélectionné comme l’un des cinq ambassadeurs de MANRS. Les ambassadeurs assurent un rôle de mentor, de formateur, de guide et de conseiller auprès de la communauté mondiale de la sécurité du routage. Encadrant six boursiers MANRS, Zobair et les autres ambassadeurs ont organisé 47 activités différentes pour près de 1 600 opérateurs de réseaux dans 28 pays et régions.
A l’heure actuelle, le Bangladesh affiche des scores d’indice de préparation MANRS de 100 % sur la coordination, 98 % sur la validation mondiale des registres de routage Internet (IRR) et 86 % sur la validation mondiale de la RPKI. Le Bangladesh dépasse de loin la moyenne mondiale (87 %, 84 % et 26 %). Le changement le plus spectaculaire a été la validation mondiale de la RPKI, l’un des domaines prioritaires de la formation de Zobair. Témoignage du succès de Khan, le score a grimpé de 68 points de pourcentage depuis 2019.
Zobair Khan est également devenu instructeur MANRS en 2021. Un étudiant a déjà adopté les MANRS dans son entreprise. Pour Zobair, la persuasion est l’objectif. Une mission qu’il prévoit de poursuivre en 2022 et au-delà.
Le gouvernement belge supprime les éléments néfastes au cryptage de sa loi sur la conservation des données à la suite du plaidoyer de l’Internet Society
Au milieu de l’année 2021, le gouvernement belge a proposé un projet de loi sur la conservation des données dans les communications électroniques, qui menaçait la confidentialité et la sécurité des internautes. Ce projet de loi obligerait les entreprises à décrypter les messages cryptés de bout en bout à la demande des forces de l’ordre.
Compte tenu de l’effet dissuasif que cela pourrait avoir sur Internet, l’Internet Society et le chapitre belge sont passés à l’action en lançant une vaste campagne destinée à convaincre le gouvernement belge d’abandonner ce projet de loi. En collaboration avec la Global Encryption Coalition, nous avons rédigé une lettre ouverte qui a recueilli 107 signatures et une attention médiatique importante. Le chapitre belge et d’autres alliés locaux ont mené une campagne de sensibilisation médiatique, ayant donné lieu à au moins 40 articles dans les médias locaux. Un membre du personnel a même demandé à un député européen en faveur du cryptage de s’adresser au ministre belge de la Justice.
Le travail de la communauté a porté ses fruits. En octobre, le projet de loi a été reporté. Deux mois plus tard, lors d’une réunion du Conseil des ministres, le gouvernement a approuvé une version de la loi supprimant l’exigence relative aux portes dérobées. Voici ce qu’il affirme désormais : « Afin de promouvoir la sécurité numérique, le recours au cryptage est gratuit ».
Ce revirement est une énorme victoire pour le cryptage, non seulement en Europe, mais aussi dans le monde entier. Ryan Polk, conseiller expert en politique à l’Internet Society, s’en félicite : « Notre plaidoyer a incité le ministère de la Justice belge à admettre que les forces de l’ordre ne peuvent pas accéder aux communications cryptées de bout en bout sans diminuer la sécurité de tous les utilisateurs ».
Eileen Cejas, responsable du SIG jeunesse, membre du conseil d’administration
Eileen Cejas, avocate de Buenos Aires, est membre individuelle de l’Internet Society depuis 2014. On peut également la qualifier de superstar pour le travail qu’elle accomplit pour façonner l’avenir d’Internet.
Elle s’est impliquée dans la gouvernance de l’Internet en 2018, après avoir assisté pour la première fois à des évènements locaux et régionaux du Forum sur la gouvernance de l’Internet (IGF). Depuis lors, elle a été diplômée en droit des technologies et études de genre, organisé des évènements locaux de l’IGF pour les jeunes, a été ambassadrice de la jeunesse IGF de l’Internet Society et organisé le dialogue mondial des citoyens sur l’avenir d’Internet.
En 2021, Eileen a intensifié son implication. Elle a organisé un sommet de la jeunesse en collaboration avec le Forum des jeunes sur la gouvernance d’Internet (IGF) Pologne, afin de faire connaître Wikidata aux jeunes et de les encourager à s’engager en faveur des droits numériques. Elle est également devenue mentor pour le programme des jeunes ambassadeurs de l’IGF en 2021. « Cette expérience a changé ma vie », affirme-t-elle.
Elle siège désormais au conseil d’administration de l’Observatoire mondial de la jeunesse de l’Internet Society en tant que directrice de l’engagement régional pour l’Amérique latine et les Caraïbes, avec pour objectif de contribuer à la création d’une nouvelle génération de leaders de l’Internet.
Nojus Saad, ambassadeur de l’IGF pour la jeunesse
Nojus Saad s’est donné pour mission de promouvoir la santé et l’inclusion numérique des femmes et des communautés défavorisées.
Ayant grandi dans une communauté isolée du nord de l’Irak, où Internet était un luxe et où l’oppression sexiste était la norme, cet étudiant en médecine a fondé en 2018 l’influente ONG Youth for Women Foundation. Après avoir été sélectionné pour notre programme Ambassadeurs de la jeunesse IGF en 2020, il a réorienté l’action de son ONG vers la santé en ligne, l’habileté numérique et la réduction de la fracture numérique.
Dans le cadre de ce programme, Nojus a reçu une subvention de 10 000 dollars américains pour dispenser une formation en habileté numérique à plus de 80 jeunes défavorisés en Irak. Il a également participé à l’IGF 2021 en Pologne, où il a été membre d’un panel et a plaidé en faveur de l’inclusion des groupes marginalisés dans la santé en ligne. Son travail est également reconnu d’autres manières. Il a remporté le Diana Award pour sa campagne contre les violences domestiques, est devenu chercheur principal à l’ICANN et ambassadeur régional de l’Union internationale des télécommunications.
Droits d’auteur:
IXP d’Haïti : Photo avec l’aimable autorisation de Carlos Sanabria, Éthiopie : Photo avec l’aimable autorisation de Tesfa Tegegne